Traversée, figure de tout voyage : entre la transe, le transport,
et l’outrance qui passe la frontière. Mais si l’on traverse
(traveling, crossing, or going through the latin memory of ) ce mot,
on y retrouve, outre l’idée d’une limite franchie, celle d’un
détournement, la version oblique d’un détour. Tout y est dit en
un mot de mes transvérités. Mes petites vérités, s’il y en a, ne
sont ni « dans ma vie » ni « dans mes textes », mais à travers ce
qui les traverse, au cours d’une traversée qui en détourne, juste
au dernier moment, la référence cryptée, le salut en contreallée.
De l’un(e) — à l’autre. Référence de traversée, voilà le
bord depuis lequel s’écrivent les textes d’imminence dont je
vous parlais l’autre fois : en route vers l’ininscriptible qui va
venir — ou qui vient de venir à moi mais toujours sans horizon,
sans se faire annoncer. Sans du moins que je le sache, et non pas
« dans le texte », ni « dans la vie » mais entre et à travers. Le travail
de cette traversée, c’est ce que j’ai toujours appelé la trace au
fond : le voyage même.
Jacques Derrida, La contre-allée
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